La Gironde et plus largement la Nouvelle-Aquitaine sont placées en état d’alerte face à la progression de la fourmi électrique, Wasmannia auropunctata, un insecte minuscule d’à peine 1,2 millimètre, originaire d’Amérique du Sud.

Son arrivée progressive en France inquiète les autorités, notamment depuis qu’un foyer a été confirmé à Toulon en 2022. Dans le sud-ouest, les conditions climatiques et les échanges commerciaux offrent un terrain propice à son implantation, et Bordeaux figure parmi les zones les plus exposées.
Une espèce envahissante au mode de vie unique
La fourmi électrique se distingue par sa reproduction clonale : les reines transmettent leur patrimoine génétique sans mélange, tout comme les mâles. Ce mécanisme favorise une expansion rapide et homogène, renforcée par un mode de colonisation original. Loin de se limiter à une fourmilière, elle bâtit de véritables réseaux de petits nids reliés entre eux, formant des supercolonies capables d’occuper des hectares entiers. Son impact écologique est redoutable : disparition des insectes locaux, effondrement de la biodiversité et déséquilibre durable des sols.
Une région en première ligne

En Gironde, les risques sont multiples. Le bassin d’Arcachon, avec ses ports, ses serres horticoles et ses millions de pots de plantes échangés chaque année, constitue une porte d’entrée idéale. Bordeaux, centre névralgique du commerce et de la logistique régionale, est également vulnérable. La circulation continue de conteneurs, plantes exotiques et marchandises accroît les probabilités d’introduction. Des campagnes de surveillance sont déjà en cours, notamment dans les zones humides autour d’Arcachon et dans certaines pépinières girondines. Des habitants ont rapporté des piqûres inhabituelles et la présence de petites fourmis agressives, mais les prélèvements n’ont pas encore confirmé d’implantation durable.
Un risque économique et sanitaire
Au-delà de la biodiversité, les retombées pourraient être lourdes pour l’économie locale. Les serres de fleurs, les vignobles et les espaces verts urbains bordelais sont particulièrement exposés. La fourmi électrique s’installe volontiers dans les environnements artificiels comme les jardins et balcons chauffés. Ses piqûres douloureuses posent également un problème de santé publique, susceptibles de décourager touristes et promeneurs. Dans les zones tropicales déjà colonisées, comme Tahiti ou la Nouvelle-Calédonie, les animaux domestiques et le bétail développent des affections chroniques liées à ces insectes.
Une menace difficile à contenir

Depuis 2022, la fourmi électrique est inscrite sur la liste noire européenne des espèces exotiques préoccupantes, ce qui interdit son importation et sa commercialisation. Mais la réglementation reste difficile à appliquer. Les douanes françaises manquent de moyens pour inspecter systématiquement les cargaisons végétales, et les jardineries n’ont pas toujours d’outils pour identifier l’espèce. À Bordeaux, quelques actions de sensibilisation ont débuté, avec affiches et supports numériques dans les magasins spécialisés, mais la population reste peu informée.
Un enjeu écologique majeur pour la Gironde
L’exemple de la Nouvelle-Calédonie montre que l’inaction conduit à une colonisation irréversible. Là-bas, certaines îles sont biologiquement considérées comme perdues. Pour la Gironde, il s’agit d’agir avant que l’insecte ne trouve un ancrage durable. L’Office français de la biodiversité appelle à une vigilance collective : reconnaître la fourmi, signaler sa présence et éviter la dissémination accidentelle par le transport de végétaux.
Face à ce danger discret mais implacable, Bordeaux et sa région prennent conscience d’une fragilité nouvelle. L’avenir dépendra de la rapidité avec laquelle la menace sera détectée et contenue, avant que la fourmi électrique ne transforme durablement les équilibres écologiques du territoire.
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