Chaque troisième week-end de septembre, Bordeaux s’anime au rythme des Journées européennes du patrimoine et du matrimoine. Cet événement, devenu incontournable depuis plusieurs décennies, invite habitants et visiteurs à explorer la ville sous un regard nouveau. L’occasion est unique de pousser les portes de lieux habituellement fermés au public, de participer à des visites guidées insolites ou encore d’assister à des conférences et animations qui redonnent vie à l’histoire de la capitale girondine.
Une histoire européenne et citoyenne

Créées en 1984 sous le nom de Journées portes ouvertes des monuments historiques, ces journées se sont rapidement étendues au reste de l’Europe. Depuis 1991, le Conseil de l’Europe a officialisé l’initiative sous le titre de Journées européennes du patrimoine. Le principe fondateur est resté le même : favoriser l’accès de tous au patrimoine architectural, culturel et naturel. Mais avec le temps, l’événement s’est enrichi, offrant non seulement une redécouverte des monuments, mais aussi une réflexion sur la mémoire collective, la transmission et l’avenir des villes.
À Bordeaux, cette manifestation prend chaque année une ampleur particulière. La cité, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, possède une richesse patrimoniale exceptionnelle : quais, monuments religieux, hôtels particuliers, lieux industriels reconvertis, archives et musées. Mais au-delà des pierres, la ville met désormais en lumière un autre héritage : le matrimoine, trop longtemps oublié.
2025 : une année d’anniversaires et de mémoire
L’édition 2025 ne se contente pas de célébrer l’architecture ou les sites emblématiques. Elle s’inscrit aussi dans une démarche de mémoire sociale et politique. En effet, cette année marque plusieurs anniversaires majeurs pour les droits des femmes en France :
- les 50 ans de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse,
- les 80 ans du premier vote des femmes,
- les 50 ans du divorce par consentement mutuel,
- et les 60 ans de la loi permettant aux femmes d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation du mari.
À travers conférences, visites et expositions, Bordeaux entend rappeler ces acquis essentiels, tout en soulignant les décalages qui subsistent encore entre le droit et la réalité vécue. Les Journées du matrimoine s’attachent à redonner une place aux femmes effacées des récits officiels : artistes, scientifiques, militantes ou bâtisseuses de mémoire.

Un programme par quartiers : Bordeaux à la carte
Pour mieux se repérer, le programme est organisé par quartiers. Chaque secteur de la ville propose ses propres découvertes, du centre historique aux rives en mutation, en passant par les faubourgs et les parcs.
Bordeaux maritime : entre mémoire industrielle et modernité
Du quartier Bacalan à la Base sous-marine, ce secteur offre un riche éventail d’activités. Les visiteurs pourront par exemple participer à la soirée inaugurale “Sous le béton, l’art éclaire la mémoire”, véritable dialogue entre patrimoine militaire et création contemporaine. La Cité Bleue ouvrira ses portes avec démonstrations artisanales et ateliers participatifs, tandis que le Musée Mer Marine accueillera les familles pour des animations sur le monde naval.
Les plus curieux pourront explorer les coulisses techniques de la ville avec la visite du télécontrôle RAMSES, de la station d’épuration Louis Fargue ou encore d’un ancien bunker reconverti en espace artistique. Enfin, la Cité du Vin proposera une conférence sur le paysage culturel de Tokaj (Hongrie) suivie d’une dégustation.
Chartrons – Grand Parc – Jardin public : le patrimoine du quotidien
Ce quartier emblématique du négoce bordelais permettra de revisiter son histoire grâce à des parcours guidés, des ateliers d’artisanat ou encore des expositions au Musée du vin et du négoce. L’église Saint-Louis des Chartrons accueillera un concert, tandis que le Muséum de Bordeaux mettra à l’honneur les animaux bâtisseurs et les femmes éthologues.
Les amateurs d’architecture pourront découvrir des lieux habituellement inaccessibles, tels que l’Hôtel Nairac, la Maison du Professeur Demons ou encore l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts.
Bordeaux centre : au cœur de l’histoire et du matrimoine

Autour de la place Pey-Berland et de la Grosse Cloche, le centre de Bordeaux concentrera une grande partie des animations. De nombreux monuments emblématiques – Palais Rohan, cathédrale Saint-André, Tour Pey-Berland, Palais-Gallien, Opéra National – proposeront des visites libres ou guidées, parfois agrémentées de concerts ou de spectacles, comme la Danse du Second Empire sur la place de la Comédie.
Les thématiques féminines seront largement mises en avant avec des parcours tels que “Bordelaises dans la ville”, “Bordeaux au féminin” ou encore “Femmes et architecture : place et histoires”. Les enfants ne seront pas en reste avec des rallyes mythologiques, des escape games et des ateliers dans les musées.
Saint-Augustin, Nansouty et Bordeaux sud : la mémoire des quartiers
Ces secteurs offriront un visage plus intime de la ville. Le cimetière de la Chartreuse révèlera ses chauves-souris lors de visites nocturnes, tandis que le quartier Saint-Michel proposera une balade consacrée aux femmes qui ont marqué son histoire.
À Belcier, une promenade retracera la transformation urbaine de la Palu sud à Euratlantique, symbole de la Bordeaux contemporaine. La Grande Synagogue, la Basilique Saint-Michel ou encore l’abbatiale Sainte-Croix ouvriront également leurs portes, associant patrimoine spirituel et animations culturelles.
La Bastide et Caudéran : de la rive droite aux espaces verts
Sur la rive droite, les habitants pourront redécouvrir le Jardin botanique, les Archives de Bordeaux Métropole ou encore la Maison cantonale. Une balade sensible dans l’exposition Collector ou un spectacle familial intitulé Le loup des Archives viendront compléter l’offre.
À Caudéran, le Parc Bordelais résonnera au son de l’orchestre d’harmonie, tandis que des visites guideront les curieux vers l’église Saint-Amand ou les étonnantes Glacières de la Banlieue.
Un patrimoine à hauteur d’enfant

Conscients de l’importance de la transmission, les organisateurs accordent une large place aux plus jeunes. Des escape games sur la Garonne, des ateliers d’architecture, des contes, des parcours sensoriels ou encore des spectacles vivants permettront aux familles de vivre ensemble ces journées. L’idée est claire : faire du patrimoine une expérience ludique et participative, pour que les nouvelles générations s’approprient elles aussi l’histoire et la mémoire collective.
Informations pratiques
Le programme complet est disponible en ligne dès le mois d’août et en version papier à partir du premier week-end de septembre, notamment à l’Office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole, ainsi que dans les musées de la ville.
Il est recommandé de vérifier attentivement les conditions d’accès à chaque site : certaines visites nécessitent une réservation, d’autres sont en entrée libre, certaines gratuites et d’autres à tarif réduit.
Célébrer hier et penser demain
Au-delà de la simple découverte de monuments, ces journées s’imposent comme un moment de réflexion sur la mémoire partagée, sur ce que nous choisissons de conserver et de transmettre. En 2025, Bordeaux met en avant un double héritage : celui de la pierre et des lieux, mais aussi celui des luttes sociales et culturelles, notamment féminines.
Redécouvrir la ville, c’est ainsi comprendre qu’elle est faite de couches successives : architectures prestigieuses, traces ouvrières, récits oubliés, voix retrouvées. À travers le patrimoine et le matrimoine, Bordeaux nous rappelle que son histoire n’est pas figée mais en perpétuelle réécriture, à l’image de ses habitants.
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