Tu as peut-être remarqué les échafaudages, les rues barrées ou les arrêtés de péril affichés sur certaines façades du centre-ville. Depuis quelques années, Bordeaux garde un œil particulièrement attentif sur son patrimoine.
Et pour cause : les inquiétudes autour du bâti ancien se multiplient, entre effondrements, infiltrations et fragilisation de la pierre blonde qui fait pourtant tout le charme de la ville.
Tout a basculé en 2021. Dans la nuit du 20 au 21 juin, deux immeubles de la rue de la Rousselle se sont effondrés en quelques minutes. Trois personnes blessées, 130 habitants évacués, une rue traumatisée… Quelques jours plus tôt, la rue Planterose, dans le quartier Saint-Michel, avait vécu la même scène. Ce n’était pas un “accident isolé”, mais bien le signal d’un problème plus large.

Depuis, les alertes n’ont pas cessé. En juin dernier, trois immeubles ont été évacués à cause d’une cheminée prête à tomber. En août, une corniche s’est détachée près de Pey Berland. Chaque fois, même constat : l’immeuble est ancien, la pierre est fragile, et l’entretien n’a pas suivi.
Bordeaux paie aussi le prix de sa pierre iconique, extraite au fil des siècles dans les carrières de Frontenac, Brétignac ou Sireuil. Sa couleur blonde-beige fait la beauté de la ville… mais elle est beaucoup moins dense que d’autres pierres utilisées ailleurs. Résultat :
- les immeubles d’avant le XVIIIᵉ siècle, pourtant massifs, se fissurent avec le temps ;
- ceux du XVIIIᵉ et du XIXᵉ, aux murs plus fins, deviennent vulnérables dans leurs étages supérieurs ;
- et les toitures, souvent invisibles depuis la rue, sont difficiles d’accès et donc d’entretien.
Dans le centre historique classé à l’Unesco, la situation est d’autant plus délicate que les bâtiments sont entremêlés, serrés, parfois très anciens, souvent habités… et rarement rénovés en profondeur.
Ce que la mairie appelle aujourd’hui « la crise du bâti ancien » se mesure en chiffres : avant 2021, une centaine de signalements par an. Désormais, plus de 500. Environ 150 arrêtés de péril, 700 procédures en cours, et déjà 46 évacuations en 2025 pour des cas jugés urgents.
Depuis, les équipes ont été renforcées pour accompagner les propriétaires, faire respecter les travaux et rassurer les habitants.

Autrement dit : la pierre bordelaise, si belle, demande une attention constante. Le patrimoine qui fait rêver les touristes et qu’on adore photographier est aussi l’un des plus exigeants à entretenir. Et dans une ville où les immeubles modernes n’ont jamais vraiment pris place dans le centre, cette fragilité fait désormais partie des grands défis urbains.
Bordeaux le sait, et désormais la ville renforce sa vigilance. Pour protéger ses habitants, mais aussi pour préserver ce qui fait son identité : des façades historiques, une pierre unique, et un centre-ville qui raconte trois siècles d’histoire… même s’il demande aujourd’hui un soin tout particulier.
À lire aussi : La patinoire à ciel ouvert des allées Tourny fait son grand retour à Bordeaux !




