Tu l’as sans doute remarqué en te promenant dans Bordeaux ces derniers jours : les trottoirs, les quais, et même les places sont recouverts de feuilles mortes. Comme un air d’automne… sauf que nous sommes encore en plein été. Depuis la mi-août, les marronniers, platanes, frênes et chênes de la ville ont commencé à jaunir, puis à se délester prématurément de leur feuillage. La faute aux vagues de chaleur et à la sécheresse qui ont frappé la région cet été.
Quand les arbres se mettent en mode « survie »
En temps normal, un arbre garde ses feuilles jusqu’à l’automne. Celles-ci perdent progressivement leur chlorophylle, changent de couleur et tombent quand les températures baissent et que le vent se lève. Mais cette année, tout s’est accéléré. Car l’eau a commencé à manquer dès le 4 juin. Face à cette pénurie, les arbres ont enclenché leurs mécanismes de défense.

D’abord, ils ont fermé les petits pores de leurs feuilles pour éviter de transpirer trop et de perdre de l’eau. Mais la sécheresse persistante a vite rendu cette stratégie insuffisante. Alors, une autre réaction s’est déclenchée : les vaisseaux internes qui transportent l’eau se sont retrouvés sous tension, jusqu’à ce que des bulles d’air se forment, bloquant la circulation. Résultat : les feuilles ne sont plus irriguées, elles sèchent et tombent.
Le « stress hydrique », une alerte silencieuse
Ce phénomène porte un nom : le stress hydrique. En clair, l’arbre se met en sécurité, comme un ordinateur qui passe en mode économie d’énergie. En perdant ses feuilles, il limite sa consommation d’eau et tente de survivre. Mais ce repli a un coût. Normalement, en août, l’arbre fait le plein d’énergie avant d’affronter l’automne et l’hiver. Privé de ce stock, il risque d’avoir plus de mal à redémarrer au printemps prochain.
Et la ville n’arrange rien. Comme le souligne Benjamin Leduc, chercheur spécialiste des arbres, à Franceinfo « en forêt, les arbres coopèrent entre eux pour puiser l’eau. En ville, ils sont isolés, leurs racines sont moins profondes et le sol est souvent compacté, imperméabilisé ou pauvre en eau ». En d’autres termes, les platanes des Quinconces ou les marronniers du Jardin public souffrent davantage que leurs cousins des forêts girondines.

Bordeaux cherche des solutions
Alors, que faire ? Certaines villes testent déjà des solutions : paillage au pied des arbres pour garder l’humidité, plantations d’espèces plus résistantes à la chaleur, sols désimperméabilisés pour mieux capter l’eau de pluie… À Bordeaux aussi, des réflexions sont en cours. Car si le spectacle de ces tapis de feuilles jaunes en plein mois d’août peut sembler poétique, il est surtout le signe d’une nature en difficulté.
En attendant, la prochaine fois que tu passeras sur les quais jonchés de feuilles, tu sauras que ce décor « d’automne avant l’heure » n’a rien de banal. C’est un avertissement, discret mais clair : nos arbres peinent à supporter la répétition des canicules et des sécheresses. Et derrière eux, c’est tout l’écosystème urbain qui se retrouve fragilisé.
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