Dans les vignobles français, l’inquiétude est vive depuis l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane américains. La décision de Washington d’imposer une taxe de 15 % sur les vins importés bouleverse les équilibres économiques d’un secteur déjà confronté à de nombreuses difficultés. Pour beaucoup de producteurs, ce surcoût menace directement leur compétitivité sur un marché stratégique.
À Bordeaux, premier bassin viticole français, les producteurs redoutent une baisse sensible des exportations. Les États-Unis constituent en effet le premier débouché à l’international pour ces vins, représentant environ 20 % des ventes à l’export, soit plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Ce poids considérable fait de la nouvelle taxe une source majeure d’inquiétude.

D’autant que la faiblesse persistante du dollar face à l’euro renchérit déjà le prix des bouteilles sur place. Pour les consommateurs américains, le vin français devient plus cher, ce qui risque d’affaiblir la demande.
Dans certains châteaux, la dépendance au marché américain est particulièrement forte. Certains vignerons écoulent jusqu’à la moitié de leur production aux États-Unis. Même si la taxe reste inférieure aux menaces initiales – Donald Trump avait envisagé des droits pouvant grimper jusqu’à 200 % – l’impact reste lourd. Les marges des viticulteurs sont étroites et peu d’entre eux peuvent absorber une telle hausse sans répercussions. Les négociations commerciales s’annoncent donc tendues, avec des importateurs américains qui chercheront à réduire les prix d’achat ou à diversifier leurs approvisionnements.
La situation est d’autant plus préoccupante que la filière bordelaise sort à peine d’une période de crise. Ces dernières années, la surproduction et la baisse continue de la consommation de vin ont conduit à un effondrement du prix du vrac. Un plan d’arrachage financé par les pouvoirs publics a déjà réduit la surface cultivée de plusieurs milliers d’hectares, ramenant le vignoble girondin à environ 90.000 hectares. De nombreux exploitants se sont retrouvés en difficulté, certains étant contraints de vendre ou de placer leur entreprise en redressement.
Dans ce contexte tendu, les nouvelles taxes apparaissent comme un obstacle supplémentaire. Les viticulteurs savent que les négociations commerciales en fin d’année pourraient encore fragiliser leurs positions, car les contrats annuels avec les importateurs devront intégrer ce surcoût. Le risque d’une perte de parts de marché au profit d’autres pays producteurs, comme l’Italie, l’Espagne ou l’Australie, est réel.
Les producteurs de cognac, eux aussi, se retrouvent en première ligne. Leur filière, qui repose presque exclusivement sur l’exportation, dépend fortement des États-Unis et de la Chine. Or ces deux marchés appliquent désormais des taxes ou subissent des hausses de prix. Dans certaines exploitations charentaises, les commandes ont déjà reculé de manière significative, accentuant la volatilité d’un secteur où les revenus peuvent varier brutalement d’une année sur l’autre.

Face à cette nouvelle donne, la plupart des viticulteurs cherchent à diversifier leurs débouchés. L’Asie, en particulier la Chine et la Corée du Sud, suscite de grands espoirs, tout comme certains pays africains ou d’Amérique latine. Mais pénétrer ces marchés demande du temps, des investissements commerciaux et une adaptation des gammes de produits.
Ainsi, la « taxe Trump » illustre les fragilités d’une filière déjà éprouvée par la baisse de consommation, les aléas climatiques et les tensions géopolitiques. Si les producteurs affirment leur détermination à s’adapter, beaucoup redoutent que cette nouvelle contrainte ne précipite la disparition des exploitations les plus fragiles.
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