C’est une découverte archéologique aussi surprenante qu’inattendue, survenue dans un cadre pour le moins inhabituel : une cour d’école. En 2005, à Saint-Laurent-Médoc, petite commune de Gironde située non loin de Bordeaux, des enfants de maternelle jouent tranquillement dans leur bac à sable lorsqu’ils mettent au jour des fragments d’os humains.
Ce qui devait être une récréation ordinaire s’est transformé en une scène d’enquête archéologique majeure. Les enseignants, alertés par la trouvaille, préviennent rapidement les autorités, qui dépêchent sur place une équipe de chercheurs. Très vite, le diagnostic tombe : l’école est construite sur un ancien site funéraire préhistorique.

Les premières fouilles révèlent alors l’existence d’un tumulus, c’est-à-dire un monticule de terre érigé pour recouvrir des sépultures. Baptisé plus tard le tumulus des Sables, ce site intrigue immédiatement les scientifiques. Les analyses initiales laissaient penser à des restes vieux de quelques siècles, voire de quelques millénaires, mais rien ne laissait présager l’ampleur réelle de la découverte.
Ce n’est qu’en 2019, à la suite de nouvelles études publiées par une équipe franco-australienne, que la véritable ancienneté du site est révélée : le tumulus aurait plus de 5 600 ans. Autrement dit, il remonte au Néolithique, une époque où les sociétés humaines commencent à se sédentariser, à pratiquer l’agriculture et à ériger leurs premiers monuments funéraires collectifs.
Les fouilles approfondies ont permis d’exhumer les restes d’au moins trente individus, parmi lesquels une vingtaine d’adultes et une dizaine d’enfants. Fait fascinant : le site aurait servi de cimetière pendant près de deux millénaires, du Néolithique jusqu’au début de l’âge du Fer, vers 1250 avant notre ère. Les sépultures successives témoignent donc d’un attachement durable à ce lieu, utilisé par plusieurs générations, voire par des communautés différentes.
Mais pourquoi ce lieu précis ? Rien, sur le plan géographique ou symbolique, ne semble justifier un tel choix. « C’est un simple monticule d’environ cinquante centimètres de hauteur, à peine perceptible dans le paysage », explique Hannah James, doctorante à l’Université nationale australienne (ANU) et membre de l’équipe de recherche. « Il ne s’agit pas d’un site prestigieux ni d’un repère visible de loin. Il y a donc autre chose ici, quelque chose d’invisible, qui a poussé les gens à revenir pendant des siècles. »

Les analyses isotopiques des dents ont également livré d’étonnants indices sur le mode de vie de ces populations. Les individus enterrés au tumulus des Sables avaient tous une alimentation strictement terrestre, sans trace de consommation de poisson, malgré la proximité de la rivière et de l’océan Atlantique. L’un d’eux, en revanche, semble avoir grandi dans une région au climat plus froid, probablement dans les Pyrénées, avant d’être inhumé à Saint-Laurent-Médoc — preuve possible de migrations ou de rituels funéraires complexes.
Parmi les artefacts découverts figurent aussi des fragments de céramiques, de métaux et d’os d’animaux, sans doute des offrandes déposées auprès des défunts. Selon Hannah James, « les restes sont minuscules, souvent fragmentés, et il est probable que de nouvelles fouilles révèlent encore davantage d’individus ».
Ainsi, derrière une simple cour d’école se cachait un site funéraire exceptionnel, témoin d’un passé lointain où les premières communautés agricoles de la région enterraient leurs morts avec soin et régularité. Ce tumulus, vieux de plusieurs millénaires, rappelle combien le hasard et la curiosité enfantine peuvent parfois ouvrir les portes de l’Histoire.
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