Depuis la crise sanitaire, Bordeaux a connu une véritable révolution en matière de mobilité. Les déplacements à vélo ont bondi de 30 à 40 %, entraînant une redéfinition profonde de l’espace public. La municipalité écologiste, élue en 2020 dans la foulée de la « vague verte », a placé la réduction du trafic automobile au cœur de sa politique.
Mais derrière la vitrine d’une ville plus respirable, la réalité reste contrastée : si les cyclistes sont de plus en plus nombreux, les automobilistes dénoncent des embouteillages chroniques.

Un centre-ville rendu aux piétons et aux vélos
Bordeaux dispose aujourd’hui du plus grand secteur piéton de France. L’accès en est régulé par des bornes automatiques, qui interdisent l’entrée aux véhicules non autorisés. Certaines artères autrefois à double sens ont été transformées en rues à sens unique, intégrant une piste cyclable et une voie automobile réduite. Pour la mairie, ce choix permet de limiter la pollution et de réserver la circulation aux résidents et aux personnes travaillant dans l’hypercentre.
Didier Jeanjean, adjoint au maire chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés, défend ce modèle. Selon lui au micro de nos confrères de France Info, « il n’y a pas d’autre espace » que celui pris sur la voiture pour créer des alternatives comme les bus ou les pistes cyclables. La philosophie est claire : réduire le flux de voitures dites « parasites », qui traversent sans consommer ni profiter de la ville.
Des résultats en demi-teinte
En cinq ans, la municipalité estime que le trafic automobile a reculé de 17 % dans le centre. Dans le même temps, la fréquentation des bus et des vélos a nettement progressé. Les élus parlent d’un partage de la route qui fonctionne, avec des temps de parcours « stables » pour la majorité des usagers.

Cependant, une autre réalité émerge. Selon une étude du fabricant de GPS TomTom, Bordeaux est désormais classée ville la plus embouteillée de France, avec 113 heures perdues par an dans les bouchons. Porte de Bourgogne ou sur les quais de la Garonne, les caméras du Centre de supervision urbain enregistrent quotidiennement des ralentissements massifs.
Automobilistes en colère
Les témoignages des Bordelais nuancent fortement le discours officiel. Pour certains, l’entrée dans l’hypercentre est devenue un casse-tête. « Ça devient vite saturé », soupire un conducteur. Un autre raconte qu’il met désormais 45 minutes pour parcourir à peine 3 kilomètres jusqu’à Bègles, contre 20 minutes auparavant. Ces situations alimentent un sentiment d’exaspération et la perception que la circulation s’est détériorée, malgré la baisse globale du trafic.
Entre ambition écologique et contraintes quotidiennes

Bordeaux illustre les tensions qui accompagnent la transition vers une mobilité plus durable. La volonté politique de réduire la place de la voiture est claire, mais l’acceptation sociale reste fragile. Cyclistes et piétons bénéficient d’espaces élargis, tandis que les automobilistes subissent un sentiment de relégation.
La question centrale demeure : comment concilier l’objectif d’une ville apaisée et moins polluée avec les besoins réels de déplacement d’une agglomération de près d’un million d’habitants ? Si les élus misent sur les transports collectifs et la bicyclette, la bataille contre les bouchons est loin d’être gagnée.
A lire aussi : Bordeaux : les meilleurs quartiers pour les étudiants