Située au sud du centre historique, la gare Saint-Jean est bien plus qu’un simple lieu de passage : c’est un monument vivant, témoin du développement urbain et ferroviaire de Bordeaux depuis plus de 150 ans. Alliant patrimoine architectural, innovation et centralité, elle reste un point névralgique de la métropole.
Un début modeste, une montée en puissance rapide
Tout commence en 1855, avec l’inauguration d’un premier bâtiment provisoire en bois par la Compagnie du Midi, sur les terrains humides de Paludate. Très vite, face à l’essor du trafic, il devient évident qu’une gare plus ambitieuse est nécessaire.

Entre 1889 et 1898, une grande gare en pierre voit le jour sous la houlette de l’architecte Marius Toudoire et de l’ingénieur Louis Choron. Le hall d’arrivée est terminé en 1893, celui des départs en 1897, et l’ensemble est opérationnel dès 1898. En parallèle, le pont métallique conçu par Gustave Eiffel (1858–1860) relie la gare au réseau du nord de la Garonne, donnant naissance à un véritable nœud ferroviaire.
Une architecture remarquable et unique
La façade de la gare, inspirée du style classique bordelais, se distingue par son horloge centrale, ses ailes latérales, ses pilastres et ses attiques. Elle affirme une volonté d’élégance sobre, loin des ornements du style Second Empire.
Mais le véritable chef-d’œuvre réside dans la verrière métallique signée Daydé & Pillé. Construite en 1907, elle était alors la plus vaste halle ferroviaire du monde et reste aujourd’hui la plus grande d’Europe. Classée Monument Historique depuis 1984, elle impressionne par ses volumes et sa luminosité.
À l’intérieur, le hall de départ abrite une carte murale du réseau du Midi peinte dans les années 1920. Malheureusement, elle a été partiellement amputée lors des rénovations de la fin du XXe siècle.
Un pôle multimodal moderne
Dès les années 1980, la gare s’adapte à l’arrivée du TGV Atlantique : création d’un passage souterrain, parking de 600 places, arrêt-minute… L’arrivée de la LGV Sud Europe Atlantique en 2017 marque un tournant : 2h04 pour relier Paris, et plus de 22,6 millions de voyageurs annuels enregistrés en 2023.

Pour faire face à cette croissance, les halls historiques ont été rénovés en 2016-2017, et un hall 3 flambant neuf a vu le jour côté Belcier. Avec un parking de 860 places, il ouvre la gare vers le quartier en pleine mutation de Bordeaux-Euratlantique, vaste projet urbain qui redessine les abords jusqu’en 2030.
Une gare au cœur de la ville
La gare Saint-Jean n’est pas isolée : elle est aujourd’hui un véritable pôle d’échanges multimodal. Tramways, bus, taxis, navettes fluviales, vélos… toutes les mobilités convergent ici. Elle est aussi au centre du grand projet de la Grande Gare de Bordeaux, visant à repenser totalement son rôle dans la ville du futur.
Histoire et anecdotes
Pendant l’Occupation, la gare fut le point de départ du premier convoi de travailleurs français volontaires vers l’Allemagne, en 1942. Le sous-chef de gare Charles Domercq, résistant, y fut arrêté et torturé. Une rue et une photo dans le hall 1 lui rendent hommage.
En 2017, la mise en service du TGV L’Océane, avec ses 556 places, Wi-Fi et prises USB, marque l’entrée de Bordeaux dans l’ère du confort ferroviaire moderne.
Visite conseillée

Pour bien apprécier la gare, commencez par le hall 1 : levez les yeux vers la verrière monumentale, explorez les détails de l’architecture et cherchez la photo de Charles Domercq. Ne manquez pas la carte du Midi dans le hall de départ. Traversez ensuite vers le hall 3, où l’architecture contemporaine contraste avec l’histoire. Pour sublimer l’expérience, visitez le matin ou en fin d’après-midi : la lumière y révèle toutes les subtilités du lieu.
La gare Saint-Jean est bien plus qu’un lieu de transit : c’est une passerelle entre l’histoire, la modernité et l’avenir de Bordeaux.